J'aime pas les polaires...

J'ai déjeuné avec Juliette Binoche...

Oui bon, pas tout à fait, ok...

D'abord, ça fait au moins 6 mois, et comme j'ai la flemme de vérifier et que ma mémoire fout le camp, si ça se trouve j'en ai même déjà parlé ici...

Tant pis...

Donc je me suis retrouvé dans le même resto que Juliette Binoche, et à la même heure, oui, c'est tout, je l'ai pas invité non plus...

J'étais avec des collègues qui parlaient boulot, et elle était avec un vieux monsieur que j'imaginais être son père...

Elle était en civil, alors forcément, la première fois, j'ai hésité...

La première fois, on la regarde, et on se dit, "dis donc, elle lui ressemble quand même drôlement cette fille"...

Et puis on se dit, nan, c'est pas possible, pas elle, pas là, on l'imagine volontiers à Venise ou à Hollywood, mais pas en banlieue parisienne, fût elle un peu chic...

Alors on oublie...

Mais pas longtemps...

Machinalement, presque malgré soi, on y revient, sans cesse...surtout quand on est assis  en face, à 20 mètres à peine...

Un coup, on doute, "nan, une femme comme elle ne met pas de polaire"...(authentique !! pardon de casser le mythe)

Et puis le coup d'après, tout, le sourire, le rire - personne d'autre ne rit comme ça -  l'attitude, tout confirme que c'est bien elle...

Alors j'ai passé mon repas à la dévisager, la pauvre, baissant les yeux dés qu'elle tournait la tête vers moi, preuve s'il en est que je la considérais exactement comme n'importe quelle autre femme...

Moi qui ne lit même pas Gala, mauvais français, j'étais soudain fasciné par cette femme, que je n'admirais pourtant pas plus que ça, faut dire, à part Jeanne Cherhal et Elodie Frégé, pour d'autres raisons, je ne suis pas du genre à idolâtrer. Et pourtant là, j'étais devenu en quelques minutes une vraie midinette, pitoyable...

Ce repas fût donc un peu bizarre...Elle, la star internationale, quasi incognito, discrète mais se sachant reconnue, évidemment, et moi, euh...ben tout le contraire, enfin non, j'étais là incognito aussi...

Je suis bien incapable de dire de quoi ont parlé mes collègues et je ne sais même pas si j'ai mangé, j'étais complètement absent de ce repas, en lévitation, mais assis, c'est pas facile à tenir comme position....

J'aurais voulu aller la voir, lui dire qu'elle était belle, rayonnante, craquante, même en polaire, sortir mon catalogue de poncif et de flagornerie, qu'avais-je à y perdre ?...

J'aurais voulu me mettre à ses pieds et lui dire de m'emmener, là, maintenant, n'importe ou mais ailleurs, lui dire que j'étais prêt à devenir son secrétaire particulier, sa chose, son majordome, son chauffeur, son jardinier, son masseur, ou même son frère, n'importe quoi qui m'offre enfin une vie lumineuse, on a forcément une vie lumineuse auprès d'une femme comme elle, non ?!

Non ?

Bon...

"Ah ouais, comment tu dis qu'elle s'appelle? Juliette Binoche, t'es sur?!", n'a cessé de me demander le plus lourd de mes collègues, avec la discrétion et la délicatesse d'un Jean-Marie Bigard dans un magasin de lingerie, genre: "j'en ai rien à foutre de cette pétasse", alors qu'elle ne demandait rien, la pauvre, rien d'autre qu'on la laisse manger tranquille, avec son papa...

Au moment de payer, elle était déjà partie Dieu merci, Super-lourdaud me tape sur l'épaule et, l'alcool aidant, se tourne vers le patron, à qui on ne la faisait visiblement pas : "alors dis donc, y'avait une actrice là, comment...Julie Depardieu c'est ça ?"

"Mais non, répondit le Cyril Lignac de pacotille, c'était Clothilde Courau...elle vient souvent mais elle est un peu conne"...

Je suis allé pleurer tout seul sur le trottoir...

Trop de bêtise ne tue pas la bêtise, hélas...

Bon, pourquoi je vous raconte tout ça 6 mois après, alors que déjà à l'époque c'était à peu près sans aucun intérêt, bien que véridique ?!

Parce que je suis tombé sur cette photo de Juliette dans mon Télérama préféré, et j'ai repensé à ce jour là, en me disant que j'aurais vraiment du faire pareil que ce type, là,  sur la photo...ça aurait peut être pu lui plaire, finalement...

Et puis j'en ai conclu aussi, définitivement, que je n'aimais pas les polaires, ce dont je me doutais quand même un petit peu...