- Mon amour, nous sortons ce soir...
Les paroles enjouées d'Alice le firent sourire et le plongérent dans ses pensées. Il n'y a pas si longtemps, dans une autre vie, c’était plutôt : "Et si on sortait ?" suivi de longues périodes de tergiversations et de négociations, qui parfois, et de plus en plus sur la fin, aboutissaient à un abandon pur et simple de tout velléité de sortie, faute de consensus, et même pire encore...
Au moins, et c’était intellectuellement reposant, Alice décidait-elle pour deux, et quand elle avait envie de sortir, il n’avait d’autre choix que de la suivre.
- Oui si on veut...répondit-il machinalement.
- Ben ?! Comment ça si on veut?! D’abord c’est si JE veux ! répondit-elle du tac au tac, amusée, ou bien irritée par cette réponse un brin laconique...
Pour se faire pardonner, il lui demanda poliment et en s'excusant quel était le programme de la soirée.
Alice était d’une humeur particulièrement légère, et elle lui répondit simplement "petit dîner en amoureux"...Au moins sentait-il vaguement que la soirée s’annonçait bien plus paisible que la précédente.
- Et comme vous avez été exemplaire hier soir, je vous autorise à choisir ma tenue pour ce soir...
Il ne pût s'empêcher de sourire...Rien ne pouvait lui faire plus plaisir et il la remercia humblement de ce sublime cadeau, son fantasme absolu...
Mais pour autant, c’était un peu un cadeau empoisonné...
Une tenue trop osée, et c’était lui signifier qu’il la voulait garce et perverse...pour sortir ensemble, c’était un peu risqué, et après la soirée de la veille et sa journée de boulot particuliérement stressante, il n’était pas sur de pouvoir assumer.
Mais une tenue trop sage, et c’était le signe d’une hypocrisie évidente, et puis aussi une forme d’autocensure un peu absurde, lui qui aimait tant que les hommes la regardent, elle, et, de fait, l’envient, lui...
Perplexe devant les placards de sa belle qui était partie sous la douche, il finit par se décider enfin, non sans avoir changé d’avis 10 fois, en éternel indécis qu'il était...
Mais il était satisfait de son choix, un bon compromis entre passion et raison pensa t'il...
Alice sortit de la douche, regarda machinalement ses affaires posées sur le lit, et sans faire aucune remarque s’habilla en chantonnant, sous le regard délicieusement contemplatif et douloureusement concupiscent de son homme.
- Et moi Alice, vous voulez que je me change ?
Un sourire, qu’il sentait passablement sadique, fut la seule réponse d’Alice, et il n’insista pas, attendant sereinement son sort...
Tout en finissant d'ajuster son bas, Alice lui demanda enfin de se déshabiller, et d’aller se doucher pendant qu’elle se préparait.
Il resta un long moment sous la douche, pour une fois elle n'avait pas exigé qu'elle fût glacée, et il en profitait avec gourmandise...
En sortant enfin il trouva, lui aussi, ses affaires posées sur le lit.
Ne voyant ni caleçon ni chaussettes, et pensant à un oubli de sa belle, il se dirigea alors vers le placard...
- Non non...tout est là, dépêchez vous...
C’était on ne peut plus clair...il enfila sa chemise, résigné, puis, en soulevant le pantalon posé sur le lit, son regard se figea, il devint rouge écarlate, et, tournant la tête, chercha un brin de réconfort dans le regard d’Alice, la confirmation que l’idée qui lui traversait l’esprit à ce moment là était bel et bien une idée folle...
Le réconfort espéré ne fut qu'une injonction :
- TOUT est là j’ai dit...allez...
- Je...mais...
- Et bien quoi?! au moins vous comprendrez, vous aussi, à quel point un porte jarretelle n’est pas forcément si confortable et si pratique que le disent les hommes..
Il le comprit en effet...
Les bas fumés lui faisaient des jambes plutôt joliment galbées, mais sous son pantalon il avait l’impression qu’on ne voyait que ça, et sans parler des jarretelles...
Et puis si la large ceinture lui serrait déjà un peu le ventre, il n’osait pas imaginer le moment ou il s’assiérait, sans parler de son pantalon remonté qui dévoilerait alors ses chevilles gainées de nylon, au su et au vu de tout le restaurant qui ne bruisserait plus alors que des quolibets des clients, des moqueries des clientes surtout, et en imaginant tout cela, l'angoisse commença sérieusement à l'envahir...
- Estimez vous heureux mon cher, je vous ai au moins évité les bas résille rouge! rigola doucement Alice, comme si elle avait lu dans ses pensées...
Il finit en effet par s'estimer heureux, car malgré sa honte, malgré son érection contenue par sa cage de chasteté, malgré ses fesses nues sous son pantalon, heureux, il l’était, à fortiori en regardant Alice, rayonnante, qui lui caressait tendrement la joue du revers de la main...
Son sourire un rien carnassier lui fit cependant comprendre que ce n’était peut être pas fini, et que la soirée ne serait peut être pas si paisible que prévue, hélas, ou tant mieux, il ne le savait plus finalement, mais il n'avait pas forcément envie de trancher ce dilemme, là, maintenant...de toute façon, tout effort de concentration et de réflexion aurait été vain à ce moment précis, submergé qu'il était par un flot de sensations contradictoires...
- Comment vont vos seins au fait? demanda Alice perfidement, pour le tirer de sa torpeur...
- Ça va Alice merci...ils sont encore hyper sensibles, mais je pense souvent à vous comme ça...
Il était plutôt content de sa répartie, c’était tellement vrai, et même s’il sentait confusément que la question d’Alice n’était pas innocente, ce que lui confirma bien vite sa réponse...
- Souvent seulement?! Ce n'est pas assez ça...attendez moi là...en position...
Le ton était soudain devenu plus ferme, il eut la confirmation que la soirée ne serait donc pas un long fleuve tranquille...
Il s’agenouilla aux pieds du lit et posa ses mains derrière la tête...
Alice revint quelques minutes plus tard et lui ouvrit sa chemise, les 3 premiers boutons.
Puis elle lui demande de fermer les yeux, et de ne les rouvrir que quand elle le lui dirait.
Il ne bronchait pas, s’inquiétait terriblement pour ses seins, il n’était pas sur qu’ils puissent accepter de nouveau quelque douleur que ce soit, et quelle qu’en soit l’intensité. A leur couleur, à la douleur, il avait le sentiment d'avoir atteint ses limites d'endurance la veille au soir, et qu'il lui faudrait peut être des semaines pour récupérer...
Mais rien ne vint...
Il sentait bien sa chemise bouger un peu mais rien, désespérément rien ne se passait, alors qu’Alice ne cessait de s’agiter autour de lui, chantonnant de nouveau...
Il souriait béatement malgré la crainte, en se disant que cette fille, si légère dans sa cruauté, si imaginative dans sa perversion, n’était décidément pas comme les autres.
Alice lui demanda de se pencher légèrement en avant, puis enfin reboutonna sa chemise.
- Voilà...vous pouvez ouvrir les yeux...levez vous...
Il s’exécuta, ne comprenant pas vraiment quel était le problème.
Il sentit alors un frottement sur ses tétons, assez léger, mais très perceptible sur sa peau à vif.
Alice demanda à son homme de marcher un peu, puis visiblement déçue du résultat, lui demanda de revenir vers elle. Elle s’absenta quelques secondes et revint avec sa boite à couture.
- Elle est bien trop ample cette chemise, marmonnât-elle, tout en fouillant dans la boite...
Se postant derrière lui, elle tira sur le tissu de la chemise, faisant en sorte de la tendre contre son buste, et épingla le surplus de tissus à l’arrière avec des épingles à nourrice, sur toute la longueur.
Cette fois enfin, il commençait à comprendre. Le frottement de la chemise sur ses seins devenait soudain plus que perceptible, il devenait douloureux, presque insupportable, mais il réussit à se convaincre qu'il devrait bien finir par le supporter...
Quand même, ce n’était pas possible que du simple coton puisse autant meurtrir les chairs, et il pencha la tête pour essayer de deviner ce qui pouvait bien procurer cette sensation si désagréablement...excitante. Deux vagues formes carrées dessinaient une silhouette sous le tissu, et bougeaient en même temps que la chemise, sans qu’il comprenne vraiment à quoi il avait à faire.
- Qu'est ce qu...
- Double face et papier de verre, lui répondit triomphalement Alice, particulièrement satisfaite de son invention.
Elle lui demanda de nouveau de marcher un peu, et à son visage constata que cette fois ci, son stratagème fonctionnait parfaitement.
Le moindre mouvement entraînait un frottement de la peau sur le papier de verre, au grain pourtant très fin, et la douleur, lancinante et pourtant si délicate, devenait quasi insoutenable.
- Voilà, au moins vous resterez tranquille à table, rigola Alice en lui tendant sa veste pour partir.
Puis, soulevant le pantalon de son homme pour lui rappeler la présence des bas, elle eut cette phrase qui devint pour le coup évidente, tant les deux contraintes qu'elle lui avait imposé semblaient s'annuler d'un seul coup, comme par magie, et tant il se sentait heureux, malgré la douleur et la honte...
- Souvenez vous toujours que moins par moins, ça fait plus...c'est juste mathématique...
La douleur, la honte...le plaisir...
Alice avait encore raison...